LES CHUTEURS OPERATIONNELS LES PREMIERES ANNEES Par le Colonel(er) Michel BERGUIN n° 20


INTRODUCTION

   En 1965, je commandais le Centre de Saut du 2ème R.E.P, à CALVI, sous les ordres du Colonel CAILLAUD. J'y ai reçu les premiers Chuteurs Opérationnels du Régiment, l'équipe de mon ami le Lieutenant Michel DELPRAT Brevet N°6 (les 5 premiers sont Je Capitaine PISSARD, chef du Stage et ses Moniteurs, MADELRIEU, FAU, COQUEBLIN et GAUCHE)  L'équipe était composée d'un Officier, 2 Sous-Officiers et 7 Caporaux et Légionnaires. Dans mon Centre, je leur ai fait faire une application tactique, les faisant sauter et sautant avec eux à 6.000 mètres, avec charges, de Nord 2501, sur des petites zones non reconnues. Tout cela sans oxygène, mais le ciel de Corse est tellement riche en oxygène!! ! En septembre 1965, j'ai été affecté à l'E.T.A.P. et j'ai pris la direction du 2ème stage S.O.G.H. (sauts opérationnels grande hauteur) en Avril 1966. Je n'ai plus quitté les T.A.P., jusqu'en 1984, année de mon départ en retraite. 

  • 9ème R.C.P. Officier TAP et leader de la 1ère équipe de chuteurs Ops de la l lème D.P.
  • STAT/TAP , chef des expérimentations sur les parachutes et équipements humains
  • ETAP directeur de !'Instruction para, puis chef du bureau Etudes
  • STAT à nouveau, chef des expérimentations paras, puis ULM, avec présentation, en vol des 2 premiers types d'appareils au Chef d'Etat-Major de !'Armée de Terre.

 A partir de 1984, ce durant 10 années, j'ai été Conseiller Militaire de la Société AERAZUR qui , on le sait, fabrique la totalité des parachutes en service dans nos Armées. 1965-1994 : 29 années durant lesquelles je me suis consacré, par priorité, aux Chuteurs Opérationnels. Je vais profiter du support que m'apporte l'AIGLE pour raconter , en 3 parties , comment j'ai vécu et vu évoluer les Chuteurs Opérationnels durant les 25 années qui s'étalent de 1965 , date de leur création , à 1990 , date de la création de notre Amicale. Les lecteurs sont invités à apporter : 

  • soit leurs critiques sur tel ou tel point qu'ils pourraient contester parce qu'ils ont vu autre chose.
  • soit leurs propres souvenirs pour compléter mon récit.

 PREMIERE PARTIE       Naissance des Chuteurs Opérationnels Les Chuteurs Opérationnels sont les héritiers des Commandos qui s’illustrèrent, durant la Seconde Guerre Mondiale, en sautant en territoire occupé par l'adversaire, en France les Balkans, pour porter le Fer dans les flancs de !'Ennemi. mais aussi en Birmanie, aux Indes ou Ils détruisaient des objectifs vitaux. faisaient sauter des dépôts de vivres ou de munitions, libéraient des prisonniers ou encore, supprimaient des Officiers de haut rang . L'objet de mon récit n'est pas de relater un historique grandiloquent sur la vie des Chuteurs Opérationnels. Sans m'appuyer sur des documents officiels, j'ai l'intention de raconter, d'après ce que j'ai vécu, comment j'ai vu naitre et évoluer les chuteurs opérationnels modernes, au cours des 25 premières années de leur courte vie. C'est un privilège de l'âge (on s'en vante quand on pris un peu de "bouteille", mais juste avant d'avoir dépassé le seuil de sénilité, si possible !), j'ai participé à cette naissance et j'ai été un acteur de leur évolution, en réalisant, aux postes que j'occupais, un certain nombre de "premières", comme leader d'équipe, à l'ETAP et au 9ème RCP, puis comme chef des expérimentations à la Section Technique de L'Armée de Terre. Notre Père fondateur est le Général Robert CAILLAUD, qui nous a quittés le Ier Octobre 1995, qui fut mon Chef de Corps, au 2ème REP, et qui acquit le Brevet de Chuteur Opérationnel, N°564, alors qu'il commandait l'ETAP, en 1974. En 1963, le Colonel CAlLLAUD prend le Commandement du 2ème REP, stationné sur la base de  MERS EL KEBIR. Le régiment, qui sort de la guerre d'Algérie, est, comme ses autres frères paras, un super régiment d'infanterie. Durant plus de 8 années, tous ont plus crapahuté à la recherche et à la destruction de l'ennemi , que pratiqué la troisième dimension. Le Colonel décide de transformer profondément son régiment et donne à ses Compagnies des spécialisations de très haut niveau telles que 

  • nocturnisation complète
  • combat dans les zones urbaines
  • tir de précision très longue distance, jour et nuit
  • combat amphibie ou en montagne
  • sabotage

 Il souhaite, aussi, améliorer la technicité aéroportée par la pratique du saut opérationnel à Grande Hauteur. Dans ce but, il crée des équipes de marqueurs-jalonneurs, constituées de moniteurs qui reçoivent la mission de sauter sur des zones non reconnues afin de baliser des zones de saut et "tirer" les opérations aéroportées des Compagnies du Régiment. Il faut préciser qu'au 2ème REP, grâce à une gestion du personnel judicieuse, la quasi-totalité des sergents comptables et fourriers des compagnies sont titulaires du brevet de moniteur, et il y a , au moins , 1 Officier moniteur par compagnie. Ce sont eux qui, systématiquement, larguent leur compagnie quand elle part en OAP. C'est donc avec ces personnels, regroupés et dirigés par l'officier TAP, que sont constituées les équipes de marqueurs-jalonneurs. Elles sautent en commandé avec leur matériel de marquage et leurs moyens radio en sac, musette ou gaine EL4 "bricolés" au ventral. (à l'époque , nous ne sommes pas paralysés par des règlements draconiens inspirés par des Aviateurs ou des Chefs fuyant les responsabilités , la formule est : "à votre initiative, tout ce qui n'est pas formellement interdit est autorisé " ) Sautant I ou 2 jours avant l'OAP, elles cherchent une zone , envoient ses coordonnées au bureau opérations du Régiment , puis s'installent en équipe de marquage . Cette pratique se déroule sur la région de Mers El Kébir dès l'été 1964, puis en Corse, au profit des compagnies tournantes, à partir de 1965. Il convient de noter que le Régiment va encore rester plus d'une année en Algérie ; il ne s'installera définitivement à CALVI qu'en Juillet 1967. Avant cette date, et par roulement, les compagnies séjourneront en Corse durant 6 semaines pendant lesquelles elles parcourront toute l'île avec délices, car la Base de Mers El Kébir est bien exigüe pour un Régiment comme le REP !Parallèlement, le Colonel CAILLAUD, dont l'idée est de constituer une Compagnie de Chuteurs, a demandé à l'Etat-Major de l'Armée de Terre de créer un enseignement officiel de Chuteur Opérationnel à Grande Hauteur, au profit de ses personnels Officiers, Sous-Officiers et Légionnaires. Il reçoit l’appui, très solide, d'un ancien Patron du Régiment, le Général LEFORT, Inspecteur de la Légion et futur commandant de la 11ème D.P. L'E.M.A.T donne son accord et, en Avril-Mai 1965, voit le jour le Ier stage de Saut Opérationnel à Grande Hauteur ( S.O.G.H.) à l'E.T.A.P. que commande le Colonel LEBORGNE  Le premier chef de stage est le Capitaine Jacques PISSARD. A sa création, le Brevet de Chuteur Ops N°l lui sera attribué (le Colonel PISSARD a trouvé la mort dans un accident d'hélicoptère le 16 Février 1976, alors que, chef du COAP de la l lème D.P, il effectuait une reconnaissance de zone de saut en montagne, son adjoint le Capitaine SANTARELLI l'accompagnait, tous 2 ont donné leur nom au camp du Hameau , ancien P.C. de la l lème D.P. à PAU) Initialement, le stage est créé au seul profit du 2ème R.E.P et du 13ème R.D.P. Pourquoi ces 2 Régiments ont-ils été choisis ? En 1965, nous sommes en pleine guerre froide, le bloc communiste menace les Pays de l’Ouest. Il faut donc se prémunir contre un affrontement entre les 2 Mondes. La France est au milieu. .Depuis quelque temps déjà, le 13ème R_D.P. , basé dans l'est du pays, se spécialise dans le renseignement sur les arrières ennemis , par l'observation et la reconnaissance profondes. Comme procédé d’action, il utilise l'enfouissement et le camouflage (les paras du 13 sont passés maîtres dans cet art) afin de laisser l'ennemi passer sur lui sans le voir. Ainsi, il peut observer les échelons suivants et, avec de puissants moyens radio, il renseigne le Commandement sur les mouvements ennemis et la position des objectifs susceptibles d'une frappe nucléaire: P.C., bases logistiques, regroupement de blindés etc. ..... Quant au 2ème R.E.P. lui, je l'ai déjà ditle Colonel CAILLAUD l'a formé dans certaines actions très spécialisées, en particulier les opérations de Commandos sur les arrières ennemis. De plus, il est, à l'époque , le seul Régiment parachutiste entièrement professionnalisé. La chute libre opérationnelle est donc un nouveau moyen de mise à terre de petites équipes, dans le cadre de cette nouvelle forme de combat: le Renseignement et le Harcèlement à  l'intérieur du dispositif Ennemi. Ce premier stage comportera 14 élèves, 10 du 2ème RE.P. (1 Officier , 2 Sous-Officiers , 7 caporaux et Légionnaires) et 4 Officiers et Sous-Officiers du 13ème R.D.P. En 1966, pour le 2ème stage, nous aurons 7 élèves du REP et 8 du RDP. La même chose au 3ème stage , si bien qu'en 1967, nous avons, au total, une soixantaine de Chuteurs Opérationnels répartis entre ETAP (les Instructeurs des 3 stages), 2ème REP et 13ème RDP. Mais il est bien sûr que cette nouvelle spécialité intéresse nos amis des autres Unités. C'est ainsi que, dès le 3ème stage, apparaît un Marin, le Lieutenant de Vaisseau FOSSAT, Pacha du Commando HUBERT, qui a réussi à intéresser la Marine à ce type de stage. Dans l’avenir, de nombreux commandos-marine suivront ce stage. Et à partir du 4ème stage, le gros étant toujours fourni  par les 2 régiments déjà cités , on voit se raccrocher des individualités des différentes Armes, de même que d'autres Armées , puis , aussi , des Etrangers. Ce sont, tout d'abord , de jeunes Moniteurs de l'Ecole, qui ont bien vu qu'on saute beaucoup à ce stage (toujours 80 sauts environ) et qui , de cette façon , vont améliorer leur niveau et pourront espérer être désignés comme moniteurs de prochains stages. Puis on voit arriver des jeunes Lieutenants des différents régiments intéressés par la mise sur pied d'équipes de Chuteurs opérationnels: BOMAP, Hussards, Artilleurs, Sapeurs et aussi RPIMa. A partir de 1969, avec la prolifération des volontariats, le stage passe à un rythme de 2 par an. Et c'est ainsi que, fin 1969, environ 120 Chuteurs Opérationnels sont répartis dans la quasi-totalité des formations paras de nos Armées. Le gros est, quand même , au 2ème R.E. P, 47 (4.12.31.) dont la plupart sont regroupés en un Peloton sous les ordres du capitaine commandant la Compagnie d'Eclairage et d'Appui. Cela servira de modèle à la Division, par la suite . La l lème D.P , qui n'a pas d'hommes du rang d'active à envoyer au stage, ne peut constituer d'équipes permanentes. Ses chuteurs sont Officiers ou Sous-Officiers qui ont d'autres missions au sein du régiment. L'entrainement n'est pas planifié. C'est pourquoi, au début, l'ETAP va , de temps en temps ses chuteurs. travailler au profit de la Division en les lui prêtant. C'est ainsi que 2 équipes seront, pour la 1ère fois, utilisées lors de la manoeuvre... Franco-Allemande COLIBRI 2, au printemps 1969, au profit de la 2ème Brigade du Général LEBORGNE et des paras de l'Année Allemande L'une de ces équipes emmenée par l'auteur de cet article, l'autre par le Lieutenant René POIREY , cela fait 16 chuteurs qui, ayant décollé de PAU, effectueront un saut à l'estime à 4.000 mètres dans la région du camp de Bitche, près de la frontière franco-allemande. Après s'être regroupées, elles iront se mettre en place, en marchant toute la nuit, sur 2 zones de saut distantes de 40 kilomètres où elles tireront les 2 régiments paras alliés en balisant leur largage. Ce sera un succès qui contribuera à renforcer les liens entre l'Ecole et la Division. En même temps, cela décidera le haut commandement à pousser les recherches pour normaliser cette procédure. En effet, malgré- l'imprécision inhérente au procédé, le saut à l'estime s'est très bien déroulé. L’avion, un Nord 2501 peu équipé en électronique, ayant décollé de PAU, est allé survoler, à 4.000 de hauteur, en pleine nuit, un point de repère que lui seul connaissait. Puis il a pris un..._Cap qu'il a suivi près de 8 minutes, soit environ 25 kilomètres, avant de nous mettre le VERT bien sûr sans TID Les 2 équipes, sautant "au paquet", ont atterri groupées dans un champ près des quelques fermes et, malgré la présence de nombreuses machines agricoles, il n'y a eu aucun blessé. Tout cela se passait devant des Autorités Paras guidées par radio comme le Colonel CAILLAUD (B.T.A.P.A.) et le Général LEBORGNE (2ème B.P.) pour ne citer que les plus connues. Celles-ci ont pu, de visu, même par nuit noire, constater l'efficacité de l'opération. Compte tenu de ce dont nous disposions comme moyens à l’époque, c'était la méthode simple la plus efficace pour parvenir à un résultat correct. Par la suite, le Commandement, principalement à la demande de l'Armée de l'Air qui recherchait des aides à la navigation, recherchera tous les moyens électromagnétiques disponibles et compatibles afin d'assurer une meilleure précision des largages. Tout est parti de là ! Dans le courant des années 70, on verra ainsi apparaitre des moyens de liaison sol-air permettant de tirer les aéronefs-largueurs avec une précision de plus en plus pointue. 

  • la Balise NRTN 7A de l'armée de terre
  • le PADTA , radar de l'armée de l'air qui nous permettra de sauter au-dessus des nuages
  • le radar SPARTIATE de l'ALAT.

 DEUXIEME PARTIE Des moyens de plus en plus perfectionnés En 1972, les chuteurs opérationnels se font connaitre en Afrique en intervenant, pour la 1ère fois, au profit d'une manoeuvre... Franco-Togolaise, appelée "Amitié 72", qui se déroule au mois de Février sur le territoire togolais. A la tête d'une équipe formée à partir d'éléments du 9ème R.C.P. et du 1er Hussard, à laquelle j'ai pu faire effectuer un court entrainement collectif( 2 sauts de cohésion), je quitte Toulouse à bord du Transall "parachutes" pour LOME, avec escales à DJERBA et N'DJAMENA. Après un briefing à l'Etat-Major des Armées Togolaises, nous nous envolons pour le Nord du pays. Nous sautons à 4.500 mètres par une nuit d'encre (intérêt de la gaine individuelle qui nous "dit" que le sol est là), à 500 km au nord de la capitale où attend le 8ème R.P.I.Ma. Nous nous regroupons et gagnons la zone prévue pour le parachutage du Régiment. Avec notre poste radio longue distance ANGRC 9 (80 kg , 3 fardeaux dont la fameuse "gégène"), nous envoyons le message météo et tirons le 8ème RPIMa au lever du jour suivant. Ce parachutage s'effectuera avec un maximum de précision et dans la plus grande discrétion. Ceci est un gage de réussite du type d'opérations auxquelles la France et les Pays africains francophones s’entrainaient, dans le cadre de leurs accords de coopération. A partir de cette époque, l'emploi des Chuteurs Opérationnels devient d'usage courant. Le Général COMPAGNON, commandant la Division, satisfait des résultats obtenus sur le terrain, incite les Régiments à constituer des équipes permanentes et à les inscrire à leur T.E.D. Ces équipes sont, initialement, uniquement constituées de cadres d'active ; puis certains régiments, progressivement, se professionnalisent et parviennent à sélectionner des Militaires du rang de bon niveau , auxquels ils font suivre une formation Commando , puis Chute Libre. Cette situation a évolué favorablement au fil des années. Maintenant, les Unités de Chuteurs opérationnels périodiquement recyclées en technique de saut de groupe, sont, depuis le début des années 80, regroupées à la demande au sein d'un groupement particulier. Le Groupement de Commandos Parachutistes, (G.C.P, c'est son appellation actuelle) dont le chef est un Officier Supérieur de l'Etat-Major de la 11ème Division Para, maintient leur haut niveau de technicité par de fréquentes manœuvres et des séjours groupés dans tes camps. Ils ont, maintenant, gagné leurs lettres de noblesse et sont devenus célèbres dans le monde entier. Plusieurs fois, ils ont été engagés sur des zones à risque. A l'heure actuelle, on compte environ 2.000 chuteurs formés dans les stages de l'ETAP (le N° 2.000 a été attribué au printemps 1998). Ceux qui ne sont pas retirés du Service Actif se répartissent dans les 3 Armées et la Gendarmerie (et dans certains pays étrangers, amis de la France) Les jeunes, aujourd’hui, sont directement formés sur parachutes de type Aile, grâce aux 3 matériels, (d’Instruction, d'Entrainement et d’Arme) de conception commune avec voiles différentes, en dotation à l'Ecole Mais, par le passé, nous avons utilisé des parachutes beaucoup moins performants et confortables que ceux avec lesquels on saute aujourd'hui ! Parfois j'entends qu'on se plaint d'un choc à l'ouverture un peu violent. J'ai tendance à sourire car, dans les débuts les Anciens en recevaient un également avec leur parachute "en bois" et, à la différence des ailes qui permettent d'atterrir à "vitesse zéro", ils prenaient souvent une bonne gamelle à l'arrivée au sol, ce qui leur faisait oublier le choc à l'ouverture. Des os solides et de la bonne viande autour grâce à l'entrainement et la volonté, et on est un chuteur Ops ! En 1965, nos premiers chuteurs ont été formés avec le TAP 69 l S.D. (suspentes d'abord). A partir de 1966, nous avons perçu le parachute à 2 fentes TAP 656, version militarisée d'une voile avec laquelle le Français Gérard TREVES avait été champion du Monde de Précision d'Atterrissage, en 1962 aux Etats Unis. Pour mémoire, en Août 1967, j'ai eu l'occasion d'effectuer un séjour en U.RS S. chez les Paras Soviétiques, à la tête de l'équipe de France Militaire de P.A. Voltige. J'en ai, bien sûr, profité pour glaner quelques renseignements chez nos amis. Pour le para-sportif, ceux-ci étaient dotés d'un cousin du 656, le T4.4M, avec déclencheur de sécurité KAP3 (nous avions déjà l'Olympic EFA 683 et, s'ils nous dominaient en voltige, nous les avons battus à plate couture avec nos Olympic) Pour le saut opérationnel, ils avaient un parachute fonctionnant en chute stabilisée sous un petit parachute gros comme un extracteur et s'ouvrant grâce à la  KAP. 3 modifié: le D.l/8. Avec ce matériel, ils déclaraient pouvoir parachuter des Régiments complets, en colonne par 2, par l'issue axiale de leur AN.12 (Transall Russe) (de fait, ils nous ont montré un film où on peut voir un tel largage, à partir d'un avion volant à environ 1.000 mètres, la chute stabilisée durant à peu près 5 secondes.) Mais ils ne semblaient pas avoir ce qu'on appelle des Chuteurs opérationnels, c'est à dire des équipes de spécialistes qui sautent en avant du Front.La recherche de la meilleure sécurité nous a amenés à doter le parachute TAP 656 de l'ouvreur chrono­ barométrique E.L. 19, qui est dérivé du KAP. 3 Tchécoslovaque en dotation chez les Russes. Le parachute est donc devenu le 656.11.D (comme déclencheur) au début des années 70 et a servi de nombreuses années chez nos TAP. En 1974, nous avons militarisé le fameux "Papillon", c'est à dire l'EFA 687. C'était la meilleure voile de Précision au Monde, à l'époque. Une version tricolore, le 687 . 12 . 2.D a été adoptée pour le sportif, tandis qu'une version renforcée, de couleur réséda, le 687. 12 . l.D, était mise en dotation des Chuteurs opérationnels Ce parachute a vécu de nombreuses années et a rendu d'éminents services à nos Commandos. Nous arrivons au domaine des Ailes militarisées en 1978 seulement. Nous avons mis 5 ans pour adopter un matériel pouvant être mis dans les mains de tout le monde. Il faut préciser que les premières ailes, les Silver Cloud, arrivées en France en 1973, étaient sacrément "casse gueule". Même l'équipe de l'E.I.S. n'en a pas voulu! Nous avons procédé par associations de voiles, de systèmes de régulation d’ouverture, de pliage en sacs de différents types. Nous sommes parvenus au Strato Cloud, à usage sportif uniquement, dont la société EFA avait obtenu la licence de fabrication. Une première dotation de 60 exemplaires, avec leur ventral EFA508 a été mise en dotation de l'Armée de Terre et nous avons commencé les études pour le militariser. Nous l'avons d'abord dédouané au-dessus de 4.000 mètres et nous cherchions son renforcement jusqu'à 140 kilos, mais la firme EFA a perdu sa licence de fabrication, ce qui a stoppé la procédure militaire. Parallèlement les Américains sont allés jusqu'au bout de ces expérimentations. Steve SNYDER, propriétaire-fondateur de la firme PARAFLITE (et du Cloud) a commencé par construire une voile agrandie, le Cloud X.L. , puis il l'a militarisée . Ce nouveau matériel est devenu le fameux M.T.1 , en service chez les Spécial Forces U.S. Pour nous permettre de patienter en attendant le futur parachute Français, sans léser nos chuteurs , nous avons acheté 20 exemplaires de ce parachute, qui a été utilisé par la 1 lèrne D.P. durant quelques années. En 1983, est adopté le parachute TAP 133.11, dérivé de la voile Magnum• muni d'une 2ème voile identique en réserve. Le paysage des parachutiers français s'est beaucoup modifié ces dernières années. En 1980, la Société AERAZUR a racheté EF A qui a donc disparu. En 1981, c'est la Société Parachutes de France qui se vend à Aérazur. En fait, c'est le groupe ZODIAC qui coiffe l’ensemble, et qui affecte toute la production militaire à Aérazur, tandis que Parachutes de France se consacre entièrement au Sportif Aérazur fabrique les 120 premiers 133.11 qui sont prêts à être réceptionnés pour Noel 1984. Ils ne vont pas réussir les épreuves de réception ! Des défauts structurels (en particulier le tissu choisi, le F.111 Américain, qui présente de nombreuses plages défectueuses) font qu'il faudra près de 4 années pour, enfin mettre ces matériels en service. Les Ingénieurs d'Aérazur et des Services Techniques y ont perdu leur "latin" ! Entièrement reconstruit, il finira par être mis en service au profit des stages de Chuteurs Opérationnels et donnera satisfaction. On connait bien son" cousin", le parachute d'entrainement TAP 131.32, lui aussi dérivé de la voile Magnum Ces contretemps conduiront les Armées à se doter du parachute britannique G.Q. 360, qui est encore utilisé et qui rend d'éminents services. Mais nos Chuteurs sont enfin dotés du dernier modèle Français, capable d'emporter 160 kilos, le parachute à 9 caissons TAP 160.36, ou G.9, doté de 2 ailes identiques, avec lequel je souhaite de nombreux sauts à nos jeunes camarades. Sans oublier, bien sûr, te parachute biplace "multi-missions" avec voile B.T. 80 En attendant qu'un 18 caissons, de Finesse 10 leur soit attribué pour emploi, mais ceci est une autre histoire !

TROISIEME PARTIE        Le Top Niveau A la Section Technique de !'Armée de Terre, dès 1973, lorsque nous avons commencé l'expérimentation des Ailes, nous avons compris l'intérêt qu'elles pouvaient représenter, au plan de la discrétion et de la protection des aéronefs largueurs, grâce à leurs qualités performantes, qui offraient la possibilité d'être largués loin de la zone à atteindre. Dans ce cas, on n'entend pas l'avion en vol et on ne voit pas arriver les parachutistes. De plus, pourquoi les radars se méfieraient-ils de cet avion, si sa trajectoire ne montre pas une attitude belliqueuse, si, par exemple, il emprunte une voie aérienne civile, ou s'il ne vole pas en direction d'un objectif précis? Aussi, comme responsable des expérimentations, malgré leur manque de fiabilité à l’ouverture, étais-je bien décidé à démontrer au Commandement les merveilleuses prouesses de ces matériels, voile ouverte. A l’époque, c'était une véritable révolution de faire planer un homme sous une telle pièce de tissu l Mais un gros problème n'était pas solutionné. La fiabilité l 00 pour l 00 de l'ouverture ! Dans le but de diminuer le choc au déploiement de l’aile, (le glisseur n'apparaîtra qu'en 1976) les parachutiers employaient des systèmes de temporisation pas très fiables : à simple ou double drisse " de tempo », parfois traversant la voilure, avec l ou 2 extracteurs etc ... Ceci avait souvent pour conséquence de provoquer un remplissage anarchique de l'aile. Chaque fois qu'on actionnait la poignée, on se demandait " que va-t-il se passer maintenant ? " Les premiers expérimentateurs totalisent " un certain nombre " de libérations ... C'est la raison pour laquelle le Commandement a exigé que la Hauteur d'ouverture soit maintenue si haute. Les pratiquants du "BASE JUMP", sûrs de l'ouverture de leur voile, qui sautent à moins de 100 mètres , se moquent de cette loi , mais on ne pratiquait pas le BASE JUMP dans les années 70 ! Nous avons donc tout de suite décidé d'ouvrir le plus haut possible, afin de maitriser le voyage aérien sous voile, d'abord individuellement, puis en groupe. C'était le thème de toutes les présentations que nous effectuions au profit de nos amis des Unités combattantes qui nous invitaient à certaines de leurs manifestations (St Michel, fête du Régiment etc ...) La 1ère démonstration à laquelle je donnerai un caractère officiel a eu lieu le 2 Octobre 1974 sur la zone de sauts de CASTRES PESQUIE . Ce jour-là, le 8ème RPIMa donnait une grande fête publique, la kermesse battait son plein attirant une foule venue de tous les environs. Le Colonel DOMINIQUE, commandant le Régiment, avait invité le Général LEBORGNE, commandant la l lème Division parachutiste, ainsi que le Général d'Armée MAURIN, Chef d'Etat-Major des Armées. A la tête d'une équipe de 4 chuteurs de la S.T.A.T. , invitée à sauter avec ses ailes, j'avais mis au point un scénario avec la complicité de mon ami le Chef de Bataillon CANN, chef du B.0.I. du Régiment et responsable des activités aériennes de cette manifestation. Embarqués dans l'hélicoptère de l'équipe de compétition régimentaire, sautant à 3.500 mètres, et ouvrant  dès la sortie, nous partîmes dans le même passage que cette dernière. Avec mes 3 collaborateurs, je passai la porte 10 kilomètres après l'équipe du 8, vers l'origine des vents, sans être vu des spectateurs occupés à regarder évoluer nos amis du Régiment, qui allaient effectuer une Précision d'Atterrissage devant la tribune présidentielle. Des nuages assez épais s'étant rapidement intercalés entre la zone et nous, nous dissimulèrent durant de longues minutes aux vues terrestres. Nous effectuâmes là notre premier vol dans la ouate humide et froide et nous en avons tiré quelques enseignements précieux pour l’avenir. Nous sortîmes enfin des nuages vers 500 mètres de hauteur et dans le dos des spectateurs, car nous avions quelque peu dépassé notre cible. Mais nous pûmes remonter le vent pour nous poser devant les tribunes, sous le regard ébahi des spectateurs, qui se demandaient d'où pouvaient bien venir ces 4 hommes et leurs drôles de machines. Cette démonstration avec, je le reconnais, une bonne dose de veine, a permis d'accrocher le Haut Commandement sur l'intérêt de cette technique de mise à terre, associée au saut à très grande hauteur . Cette technique est, maintenant, bien connue sous le vocable de "Dérive sous Voilure " Par la suite, avec des voiles à 7 caissons (en particulier le 133.11 en expérimentation), nous avons pu effectuer, lors de sauts à 8.000 mètres sur la zone de CAPTIEUX, des vols de plus de 35 kilomètres, avec atterrissage de précision, largués sous guidage des Contrôleurs de la Base de MONT DE MARSAN. Nos chuteurs disposent, maintenant, de moyens d'oxygénation permettant de sauter au plafond du C.160 ou du C.130; des moyens de guidage et de localisation sophistiqués existent (je pense notamment                                                                                                                                                                                au G.P.S. d’usage courant.L'alimentation individuelle en oxygène ne pose plus de problèmes, de même que la protection contre le froid, les liaisons radios et l'emport de matériels jusqu'à 160 kilos sous voile, et même l'emport de combattants hautement spécialisés, non chuteurs, grâce au bi-place. Par conséquent, tous les avantages sont réunis, avec les nouvelles ailes encore plus performantes, pour effectuer des voyages de l'ordre de la cinquantaine de kilomètres. Assurance de la sécurité du vol et du largage ; discrétion certaine de l'intervention. Cette technique, bien au point, est la garantie du succès d'une Mission de Commando qui se résume en 4 mots ; SURPRISE, VITESSE, FEU et CHOC.